CHRIS MORGAN
L'Histoire de Fred Morgan | 2018–2023
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Naissance à londre, 1919. Enfance et parents. Premier emploi. Jersey Airways, avant le début de la guerre. La guerre éclate, le recrutement et la France. En attendant l'ennemi. À travers la forêt. Repli sur St Valéry-en-Caux. Capitulation à St Valéry-en-Caux, 12 juin 1940. La marche vers l'Allemagne à travers le nord de la France, la Belgique et la Hollande. Arrivée au Stalag VIIIB. Creuser à un aéroport d'entraînement. Novembre 1940, retour au camp principal. Camp de travail, charpentier. Le match de boxe. Une garde aimable. Le pain et le garde humain. Le Fourneau en Feu. Camp de Travail, construction d'une nouvelle cokerie. Début de la marche de la mort de Lamsdorf. L'hôpital tchèque. Stalag XIII D, Le camp de Nuremberg. Libérés par les Américains, 16 Avril 1945.
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Insectographie à partir de Tapuscrit

Frederick John Morgan, mon père, a accepté de me rédiger l'histoire de sa vie en 2007. Il a pu en décrire les vingt-cinq premières années, avant que sa mémoire ne disparaisse à jamais. Le récit commence dans les années 1920, par sa jeunesse dans un quartier pauvre de Londres. Il se termine vingt-trois pages plus loin, par sa libération des camps de prison- niers de guerre, où il avait été enfermé cinq ans durant la Seconde Guerre mondiale. Au décès de mon père, en 2013, plusieurs personnes m’ont encouragé à publier son histoire. La chronique d’un homme qui, malgré lui, a vécu des événements historiques dramatiques. J’ai alors essayé de corriger et de mettre en forme ses textes, mais j’ai rapidement senti que cela corrompait leur intégrité. Toutes les cicatrices de sa vie, révélées par les hésitations qu’il avait à choisir les mots justes et l’intensité avec laquelle il les posait sur papier, disparaissaient. Afin de rester fidèle au tapuscrit et traduire au mieux l’émotion contenue dans les nuances de gris laissées par la frappe irrégulière de ses doigts sur le clavier, j’ai décidé de concevoir un alphabet.

Pour représenter chaque caractère typographique, j’ai utilisé des insectes communs trouvés déjà morts comme de petits soldats gisant sur un champ de bataille après le combat. J’ai fabriqué une machine avec laquelle écraser chaque insecte par paliers, puis photographier chacune de ces étapes avec la technique du focus stacking pour obtenir une grande profondeur de champ. J’ai pu ainsi générer des clichés parfaitement nets en fusionnant plusieurs prises de vue, et réaliser entre onze et dix-huit images de chaque insecte à différents stades d’écrasement. Au total, j’ai capturé 53 930 photos, unies en 2009 images de 138 insectes progressivement écrasés. Pour transcrire les 80 caractères typographiques formant le texte, j’ai choisi les insectes les plus pertinents. Dans ma police de caractères, je n’ai pas essayé de garder une quelconque ressemblance avec l’alphabet latin : les mouches se sont métamorphosées en voyelles et le reste des insectes en consonnes. Les araignées se sont muées en signes de ponctuation ou en symboles. Les mille-pattes, cloportes, et ainsi de suite, se sont transformés en chiffres.

L’étape suivante a consisté à mesurer la position exacte des caractères sur la page originale. J’ai supposé que cela serait plutôt simple, la machine ayant tapé les lettres sur le papier régulièrement. Par conséquent, j'ai conçu un système de cibles, les ai placées sur les premiers et derniers caractères de chaque paragraphe, et estimé que je pourrais calculer la localisation des caractères intermédiaires. Mais la précision s’est révélée insuffisante, la vieille machine à écrire mécanique présentait du jeu et les dimensions du papier étaient trop instables. J’ai alors développé un JavaScript pour Photoshop qui m’a permis d’isoler chaque caractère dans une image séparée. De cette manière j’ai pu trouver lesquels avaient besoin de cibles supplémentaires pour corriger leur dérive : finalement, une lettre sur sept a nécessité cette opération. Un script a ensuite répertorié tous les caractères des pages originales avec leurs coordonnées dans un fichier texte. À l’aide d’un autre script, j’ai évalué la pression exercée par mon père sur les touches de sa machine à écrire, puis ajouté le résultat au fichier. Pour reconstituer chaque page du récit et composer mon « insectographie », chaque image d’insecte a ensuite été placée d’après les coordonnées préalablement enregistrées.

Au final, vingt Insectographies au format de 212 x 150 cm (83 1⁄2" x 59") ont été créées à partir des pages A4 initiales, et trois Insectographies de 150 x 105,7 cm (59" x 41 1⁄2") à partir des pages A5.



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